dimanche 7 mars 2010

La Tempête Xynthia

Je suis de ce pays, de L'Aiguillon sur Mer.
Mes aïeux, mes parents reposent au cimetière.
En voyant aujourd'hui, ce lieu dans la misère,
Je sens au fond de moi, s'insinuer la colère.

Une étrange colère, teintée d'indignation,
En écoutant ces bulletins d'informations,
Où les intervenants, pour chercher des raisons,
Enoncent des bêtises, des élucubrations.

J'entends des "j'savais pas", des "inimaginables",
Alors que vos maisons sont bâties sur du sable !
Dire que c'est une surprise devient inconcevable,
lorsque derrière des digues, on construit à la diable !

Le "marais desséché" est un espace de terre
Que l'homme a patiemment, grignoté sur la mer.
Comme hier, en Hollande, à l'aide de polders,
Il a pu façonner cette surface agraire.

J'ai aussi entendu :"elle a repris ses droits",
En parlant de la mer. Mais est-ce de bon aloi ?
Et plutôt qu'affirmer, se demander pourquoi
L'océan est venu s'installer sous vos toits ?

Est-ce parce que nous oublions nos devoirs,
Que l'onde, en s'énervant, donne des coups de butoir ?
Ou qu'afin de construire d'innombrables dortoirs,
Nous avons supprimé ses espaces-déversoirs ?

Lorsque j'étais gamin, et même plus tard, ado.,
Je sillonnais les rues et chemins à vélo.
Revenir de La Pointe, et le vent dans le dos,
Arriver sur le port, pour guetter les bateaux.

A La Faute, près des dunes, nous allions pédaler.
Et le pont traversé, le plaisir nous prenait.
C'était un pur bonheur, le fait de musarder
A travers les pinèdes, les vignes, les prés salés.

Près de la Pointe d'Arçay, après les Amourettes,
La forte odeur des pins nous montait à la tête.
Et cette ombre complice, nous offrant une cachette,
Nous incitait à faire une sieste discrète.

Bien des étés plus tard, une trentaine d'années,
Ces tendres souvenirs, j'ai voulu retrouver.
A La Faute sur Mer, je suis donc retourné,
Simple curiosité, juste me promener.

Mais, très désemparé, je n'ai rien reconnu.
Avec ces constructions, je me suis même perdu !
Des maisons, des villas, des campings et des rues,
Les images de l'enfance, elles aussi, disparues.

Les vignes du grand-père où nous allions, enfants,
Casquettes nous protégeant d'un soleil écrasant,
Grappiller des raisins, les parents vendangeant.
Plus rien de cet endroit, parti dans le néant.

A L'Aiguillon aussi, au lieu du "Communal",
Tout un tas de maisons, lotissement banal !
Les "relais", le système anti-crue ancestral ?
Recouverts de logis, sombre manne commerciale !

Souvenons-nous des mots lancés par nos aînés :
"De tous temps, l'océan peut venir nous gronder,
Nous ne sommes dans ses mains, rien d'autre que des jouets
Qu'il tolère simplement ou bouscule à son gré".

J'ai, lors de mes recherches, trouvé un document,
Trois mots sur un registre, de près de trois cents ans
Où le curé de Grues racontait simplement
La rupture des digues et un débordement.

Mais ce qui est frappant, dans ce court compte-rendu,
C'est la similitude de ces faits survenus
A trois siècles d'écart. Ces épisodes vécus,
Peut-on les qualifier, aujourd'hui, d'imprévus ?

Et quelles furent les idées, les envies, les appâts
Des édiles locaux, des services de l'Etat,
Pour avoir oublié, volontairement ou pas,
La mémoire des hommes, cette conscience-là ?

Mais malheureusement, je crois que c'est l'argent
Qui incite le monde à être moins prudent.
Et l'on est criminel, si volontairement,
Pour du fric, on ne tient pas compte des éléments !

Il a fallu attendre d'avoir plus de vingt morts
Pour que dans les esprits, on reconnaisse ses torts.
Mais il est un peu tard pour avoir des remords,
La suffisance de l'homme crée la boîte de Pandore.

Avant que de douter complètement de l'homme,
Que pour toutes ses fautes, il subisse un pensum,
Se trouvant emporté dans un grand maelström,
Je propose une pause, ensemble, ad libitum.

A quoi sert de vouloir combattre la nature ?
Est-ce véritablement une preuve de culture
Ou de discernement, que de prendre une armure
Et s'isoler du monde, en créant des clôtures ?

Car si Neptune s'énerve, profondément lassé
De voir les océans, par l'homme, si malmenés,
Respectons ses colères, ses élans de dureté,
Laissons-lui de l'espace, sachons le respecter.

Mais l'homme dédaigne trop l'élément naturel.
Il se pense supérieur, mais vit dans l'irréel.
Vouloir tout dominer, ce rêve irrationnel,
N'est de fait, que le vrai péché originel.

Ne pas se croire plus fort, mais être intelligent,
S'adapter à son monde, à son environnement,
Nous permettra, à tous, inévitablement,
De comprendre et de vivre avec les éléments.

De cette anse, face à Ré, l'homme n'est que locataire,
Mais son propriétaire sera toujours la mer.
Et s'il faut des endroits pour travailler la terre,
Une grande humilité est un mal nécessaire.
Mars 2010


"Le onze décembre 1740, les eaux coupèrent le bot de Groleau et celui de Garde en plusieurs endroits. Elles restèrent sur les paroisses de Grues, de St Denis, de St Michel et de Triaize, six semaines. Le bot de Bourdin fut coupé le 13 décembre même année. Tous les blés furent perdus. L'année suivante, 1741, fut des plus sèches qu'on n'ait jamais vu. Il ne se faucha point de foin dans toute la paroisse de Grues ni dans les prés hauts des autres paroisses."
(le bot de Bourdin est toujours sur les cartes IGN)

7 commentaires:

  1. Superbe et très émouvant...........
    Je reviendrais plus tard sur ton poême d'hommage et de révolte.

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  2. Magnifique poême !
    J'ai un peu tilté sur l'emploi du terme "itou", mais tout ton texte est superbe, très émouvant.
    Si un jour tu édites un recueil de poêmes, je souhaite vraiment que celui-ci en fasse partie *.*
    Bises enneigées,

    Eliette & Pono

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  3. Quelle émotion mais aussi quelle vérité exprimée dans ce poème!
    Que nos politiques le lisent et s'en inspirent à l'avenir.
    Merci.

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  4. Merci beaucoup pour ce poème qui exprime toute la tristesse et la colère que l'on ressent, avec sincèrité et émotion. Les longs discours, les débats, les explications interminables semblent bien inutiles après. En espèrant que l'homme ne commette plus les mêmes erreurs et soit plus respectueux de ce qui l'entoure... une énorme pensée pour ce département de la Vendée et plus particulièrement l'Aiguillon et la Faute.
    Bisous ^^

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  5. bien écrit, simple et émouvant,
    cela démontre bien le pourquoi,
    même en poème il est évident,
    que la nature reprendra ses droit.

    Que diront nous dans 15 ans,
    Auprès des futures reconstructions,
    sans oublier la mémoire d'antan,
    tout n'est qu'illusion

    Pascal "D"

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  6. Tu es en colère. Bravo pour ce texte impatient, agacé, épouvanté, comme nous le sommes tous.
    Pascale B
    PS: Dans les médias, personne n'a évoqué l'île de Noirmoutier. Elle est au-dessous du niveau de la mer et je sais que 80% de son espace est resté inconstructible... Ceci explique-t-il cela??? Si quelqu'un peut m'expliquer...

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  7. Merci pour le partage de ce poème que j'ai reçu lundi via AVRELCA. Il a retenu mon attention pour 2 raisons précises (autre que vendéenne) :
    -- J'étais à la Faute/Mer samedi dernier, chez des amis directement concernés, dans les rues que vous décrivez.
    -- Je suis aussi passionnée de poésie; accepteriez-vous que je publie, en votre nom, ce poème sur mon blog ?
    Bien art-micalement
    M.G.

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