dimanche 23 janvier 2011

Lettre à Ibtissem


Lors de quelques vacances, tout près de Monastir,
Entre maintes images et autres souvenirs,
Soleil,et promenades, découvertes et plaisirs,
J'ai gardé en mémoire la beauté d'un sourire.

Jeune femme soignée, polyglotte, diplômée,
Par le monde qui l'entoure, toujours intéressée,
Avide d'expliquer et de nous dévoiler
Les charmes de ce lieu que l'on ne peut qu'aimer.

Mais parfois dans vos yeux, une ombre de tristesse
Assombrissait vos dires, tuait cette allégresse,
Lorsque vous abordiez, toujours avec adresse,
Les attentes, les espoirs de toute la jeunesse.

Quel sera l'avenir ? La peur du célibat,
Les contrôles policiers et le pouvoir d'achat,
Corruption et censure. Mais aujourd'hui je crois
Que vous vous êtes jetée dans un noble combat.

Dans ces temps de tumulte, où êtes-vous passée ?
Je vous vois, le cœur pur, face ces gens casqués
qui matraquent et qui tuent ces jeunes révoltés,
Agiter l'étendard de votre liberté.

Galopant ça et là, de groupes en barricades,
Dénonçant tant d'années de censures, de brimades,
Vos cheveux noirs dénoués, bravant la fusillade,
Ou haranguant la foule, juchée sur une estrade.

Mais qui suis-je, moi, ici, pour dégoiser ainsi ?
Un touriste d'Europe qui prit votre pays
pour un coin très pratique de séjours à bas prix ?
Non, juste un admirateur qui vous parle en ami.

Comment ne pas comprendre votre animosité,
Face à nos chefs d'Etats, pleins de complicité,
Prêts à fermer les yeux, vile facilité,
Préservant, soi-disant, une stabilité !

Les droits de l'homme ne sont que rêves chimériques,
Lorsque les intérêts sont, eux, économiques !
Et pour leurs électeurs, un Maghreb pacifique,
C'est la promesse indue de vacances séraphiques...

Mais aujourd'hui, c'est vous qui tenez dans vos mains,
Cette chance inouïe de tracer un chemin
Bordé par d'odorants massifs de jasmin,
Tout en préservant la liberté de chacun.

Surtout faites attention,ne soyez pas grisée.
Sachez bien que précieuse est cette liberté.
C'est un enfant fragile, tellement convoité,
Qu'il faudra, chaque jour, jalousement veiller.

De Douz à Monastir, de Tunis à Kairouan,
Le peuple tunisien a chassé ces manants
Qui n'espèrent de la vie que pouvoir et argent.
Prémices, dans ce monde, d'un grand chambardement ?

Maintenant vous pouvez rire, chanter et parler.
Profitez de l'instant, de la vie retrouvée.
Mais il faudra du temps pour tout recommencer,
Bâtir durablement une nouvelle société.

Postscriptum :
Mais surtout, pour conclure, comme je vous sais gourmande,
De makrouts, de loukoums, de confitures, d'amandes,
Ne succombez pas trop à toutes ces offrandes,
Au risque de payer un jour le dividende !
Janvier 2011

4 commentaires:

  1. La présentation de ce petit poême est qq peu surprenante mais je la comprends bien.
    C'est une excellente idée, cette "lettre" à Ibtissem, ( qui veut dire sourire en arabe )qui représente parfaitement la jeunesse tunisienne.
    Je pense qu'ils vont arriver, avec l'ardeur de la jeunesse, et les études (qu'une bonne partie d'entre eux a pu poursuivre), à faire de la Tunisie, un pays ouvert, avec toute la richesse de l'Islam, sans ses contraintes et ses replis sur soi. C'est mon souhait le plus sincère.
    Mais aujourd'hui, je pense bcp plus à Houcine et Medhi, les laissés pour compte de l'économie. Ceux qui doivent enchaîner les boulots, pour continuer à subsister..........
    Et j'espère que pour eux aussi, l'espoir d'une nouvelle vie se profile.

    RépondreSupprimer
  2. Merci pour ce prompt commentaire.
    Par contre, je ne pense pas que la richesse de l'Islam ou du Christianisme ou d'une quelconque théologie ait sa place dans la construction ou le reconstruction d'un Etat. Il n'y a que la laïcité constitutionnelle qui puisse garantir la liberté de croyance et de non-croyance.
    Pour la forme, cette jeune femme représente le symbole de cette révolution tunisienne, à l'image de notre Marianne, et je trouve cela amusant de lui adresser un amical courrier.

    RépondreSupprimer
  3. Lors de ma lecture est revenue devant mes yeux le souvenir d'Akila, guide égyptienne remarquablement gentille et cultivée.
    En espérant que l'odeur du jasmin ne parte pas d'un coup de vent...

    PS : je viens de dessiner sans trop le savoir ni le vouloir la jeune femme assise... je te l'enverrai le 27 janvier.
    Bises à tous les deux.
    PS 2 : merci pour ta carte Domi.

    RépondreSupprimer
  4. Un très beau texte sur cette révolution "du jasmin", et un bel exemple à suivre de ce peuple tunisien et de cette jeunesse tunisienne qui sont allés jusqu'au bout pour changer les choses. En espérant que le pays puisse se reconstruire sans la prise de pouvoir d'une quelconque religion (complètement d'accord avec le commentaire de Gene2G) et sans retour de la corruption. A voir comment la situation évolue en Egypte, en Algérie et en Jordanie aussi... Bisous ^^

    RépondreSupprimer