mercredi 19 septembre 2012

Cheval de Randonnée


Etre un cheval de randonnée,
Cela ne fait pas très sérieux !
Je sais bien ce que vous pensez :
C'est un travail de paresseux !

Ne rien faire que se balader
Peut sembler un plaisant boulot,
Oui, mais n'allez pas oublier
Que j'ai un type, là, sur le dos !

Encore, s'il n'y avait que lui.
Mais pour plusieurs jours, il lui faut
Un monceau de trucs, un fourbi,
Qui majore ses propres kilos.

Du pommeau jusqu'au troussequin,
La selle déborde de ballots.
Casseroles, gamelles sur mes reins
Tintent quand je m'élance au trot.

Ne vous moquez pas de ma pomme,
Lorsque vous me verrez passer,
Tête penchée, pas économe,
Le poil mouillé de tant marcher.

Je sais des chevaux apprêtés,
Crinière nouée, tondus, frimeurs
Qui piaffent au pas, chanfrein dressé
Pour contenter les amateurs.

Mais ces champions de première classe,
Ne respirent que l'odeur du foin,
Ne savent rien des grands espaces
Ni des dangers des longs chemins.

D'autres, les rois de la vitesse,
Athlètes pour galops effrénés,
Dont la gloire devient la faiblesse,
S'usent le cœur et les jarrets.

Ils écument les champs de courses
Et ne peuvent envisager
Qu'il n'y a que l'eau d'une source
Pour être enfin rasséréné.

Et que dire des "chevaux de rame"
Qui tournent en rond, en carrière.
L'habitude a noyé leur âme,
Leur vue obstruée de barrières.

Habitués à rester cloîtrés
Dans une cellule empaillée,
Ils sont craintifs, désorientés
En entrant dans un simple pré.

Imaginent-ils le bonheur
De se rouler dans l'herbe fraîche,
Pour se ressuyer de la sueur,
Sous l’œil perçant d'une chevêche ?

Et si je vous semble sévère
Par mes jugements excessifs,
C'est parce que mes congénères
Ne sont pas assez expressifs.

Ce sont les mots d'un baroudeur
Au pas serein, au cuir tanné,
Au caractère un peu frondeur,
A l'image de son cavalier !

Je suis cheval de randonnée.
Ne riez pas de mon allure,
Car si vous me voyez passer,
C'est que je pars à l'aventure !
Septembre 2012

lundi 10 septembre 2012

Le Cœur à Pleurer

J'ai le cœur à pleurer,
Pérorait un clodo
Assis en plein soleil,
Face à tous ces badauds
Au cerveau en sommeil,
Ne voulant l'écouter.

J'ai le cœur à pleurer,
En regardant ces gens
Qui détournent la tête,
Tout en considérant
L'autre comme une bête
Qui menace, un danger.

J'ai le cœur à pleurer,
Devant l'indifférence
Que vous manifestez
Face à mon indécence
D'être là, d'exister,
Disait-il, fatigué.

J'ai le cœur à beugler,
Reprit-il, énervé,
Quand vos yeux de pétoncle
Ne veulent se poser
Sur cet odieux furoncle
De notre société.

J'ai le cœur à brailler,
Face à cet égoïsme,
Fléau de cette époque,
Où seul, le nombrilisme,
Tel un vil streptocoque,
Détruit notre pensée.

J'ai le cœur à crier,
Devant cette injustice
Que constitue l'argent,
Douteux bonheur factice,
Qui consume les gens
Et les fera crever.

J'ai le cœur harassé,
A force de vous dire
Que ce monde s'écroule,
Que vous aussi, sans rire,
Vous grossirez la foule
De ces déshérités !

J'ai le cœur à hurler,
Qu'il est temps de se voir,
Et d'oser se parler,
Pour partager l'espoir
D'un futur éveillé,
Consacré à s'aimer.

Je me suis arrêté, pour écouter cet homme,
Qui s'enivrait de mots, tout autant que de rhum,
Puis j'ai levé les yeux sur mes contemporains,
Et soudain, j'ai eu honte de notre genre humain.
Septembre 2012