mardi 14 septembre 2010

Les Foins


Dès le petit matin, j'aime à pointer le nez
Pour emplir mes narines de cette acre douceur
Qui annonce l'été, le plaisir, la chaleur,
Celle de la senteur du foin juste coupé.

C'est l'heure où la rosée perle sur les herbages,
Quand le soleil se traine, retardant son levé,
Voulant à toute fin, allonger les journées,
Faisant du mois de juin, le plus long des voyages.

Cette odeur de fanage me chatouille la mémoire.
Et je pense à ces bottes qu'il fallait ramasser,
Transporter et ranger pour vite les protéger,
En priant tous les saints, qu'ils ne fassent pas pleuvoir.

A l'époque, on disait :"Nous allons faire les foins".
Les parents, les amis, tout le monde était là
Car pour travailler vite, on rassemblait les bras.
Moi, pendant mes vacances, je leur donnais la main.

La besogne était dure. Du matin jusqu'au soir,
A l'aide d'une fourche, on chargeait les ballots,
Pyramide végétale posée sur des plateaux,
Equilibre précaire qu'un caillou faisait choir !

Puis on montait la meule, sur une surface stable,
Architecture agraire transmise de pères en fils,
Cathédrale végétale, promesse tentatrice
Pour tous les animaux enfermés à l'étable.

Mais aujourd'hui les meules, chez nous, n'existent plus,
Remplacées par des "balles", jetées comme au hasard,
Dans les prés, dans les champs, alignement bizarre,
Sans aucune harmonie, un Carnac incongru !

Nul besoin de complices pour charrier ces ballots.
Un tracteur, une remorque, un chauffeur et voilà.
Une seule personne où il fallait des bras.
Le travail s'effectue au son de la radio.

Les colonnes gigantesques de ces balles entassées,
Forteresses du progrès que l'on voit de très loin,
Sont aussi les symboles de ce que l'être humain
Peut créer pour servir la rentabilité.

Bien sûr que les machines ont allégé l'ouvrage,
Rendant plus efficace le travail des champs.
Mais en privilégiant l'idée de rendement,
On oublie surement la notion de partage.

Et on ne verra plus, sortant d'un tas de foin,
Les jeunes galopins et les douces jouvencelles,
S'époussetant le nez, à l'abri d'une ombrelle,
Après avoir passé un doux moment coquin !

Et ces meules effondrées, à la fin de l'hiver,
Etaient pour les gamins des cachettes rêvées.
Tour à tour château-fort ou montagne écroulées
Pour être aventuriers ou jouer à la guerre.

S'il y a des gosses des rues, je suis un môme des champs.
Et la technicité n'efface ni les odeurs
Du travail de la terre, ni surtout les couleurs,
Preuves de l'éternelle récidive du temps.

Et si j'ai de la chance, je verrai détaler,
Peut-être un fin chevreuil ou bien plus simplement,
Un lapin de garenne courant en zigzaguant,
Autour de ces menhirs végétaux dispersés !
Septembre 2010

3 commentaires:

  1. Nostalgique ?
    J'avoue, pour ma part, que j'aime bcp ces "balles" de foin disséminées ds toute la pâture. C'est le refuge des lapins, le perchoir des chats et des busards ( pas en même temps ).
    Elles "habillent" la pâture, sur un paysage à perte de vue ( ou presque.... Ne pas éxagérer, on n'est pas au bord de la mer ).

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  2. Hum, il est agréable ce poême, on sent l'herbe, on entend les grillons...
    Petit bémol : un "e" a piquer deux places du "a" (la mémoire - sauf s'il s'agit de l'objet - et la fin de l'hiver).

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  3. Ce n'est pas de ma faute à moi, si j'ai les doigts trop gros pour taper sur le clavier ! Non mais !! (Quoi, qui a dit que j'étais de mauvaise foi ?)

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