jeudi 17 mars 2011

Cerisiers en Pleurs

Perdu dans ce désert encombré de gravats,
Le jeune homme se présente et parle aux caméras.
Son attitude calme dissimule son émoi,
Mais nous fait partager son total désarroi.
Devant tant de pudeur, nous sommes interloqués,
Les cerisiers seront tous brisés cette année.

Ce qui l'anéantit, c'est d'être là, présent.
Son monde a disparu, ses amis, ses parents
Et tel un naufragé, radeau sur l'océan,
Il crève au fond de lui d'être toujours vivant.
Il se retourne, s'assoit, par la peine submergé,
Les cerisiers seront inondés cette année.

Il devrait déguerpir, changer d'air et de terre,
Pour reconstruire sa vie, démarche salutaire,
Afin d'échapper aux attaques corpusculaires,
D'éviter les dégâts d'un risque nucléaire.
Le danger plane encore à cause des retombées,
Les cerisiers seront irradiées cette année.

C'est une curieuse contrée, un pays différent,
Ce qui, étrangement, nous le rend attachant.
Mais pourquoi est-ce lui qui subit durement,
Du monde "civilisé", tous les égarements ?
Après Hiroshima, Nagasaki, Kobe,
Les cerisiers ne fleurirons pas cette année.

Un avertissement pour tout le genre humain,
Qui s'entête à vouloir jouer au plus malin.
Il nous faut réfléchir et penser à demain,
Sinon l'humanité ne sera que chagrin.
Comme nous nous sentons quelque peu japonais,
Les cerisiers du monde sont en pleurs, à jamais.
Mars 2011

samedi 12 mars 2011

Tourtisseaux et Guenilleux

Le nez sur le rebord et les yeux à hauteur,
Au plateau de la table, agrippant fort des mains,
Le bambin, fasciné, suit le lent va et vient
De la roulette crantée, maniée avec ardeur.

Aujourd'hui Mardi-Gras, moment où sa grand-mère
Prépare pour les gourmets, en grande quantité,
De dodus tourtisseaux à la fleur d'oranger,
Qu'elle ira distribuer à de joyeux compères.

Il est bien étonnant de voir cette femme en noir,
Sans foi ni religion, foncièrement athée,
Se vantant même parfois de "croquer du curé",
Préparer ces beignets comme on fait son devoir.

Drôle de fête religieuse qui permet la bombance,
Le délire, la folie, les permissivités,
Avant que la Carême vienne tout arrêter
Prônant à contrario, le totale abstinence.

L'enfant lui, ne sait pas ce que ces mots veulent dire.
Il scrute, salivant, cette pâte étalée
Devenir un amas de losanges réguliers
Qui prendront des rondeurs dans la bassine à frire.

La gourmandise le pousse, il devient impatient,
En voyant se gonfler ces pâtons aplatis.
Son envie le tenaille, aiguise son appétit.
Il lance à son aïeule, un regard de mendiant.

"Patience, je termine", murmure sa mémé,
Précisant qu'à son heure, il sera bien servi.
Mais il devra attendre le passage des conscrits
Qui viendront réclamer leur part de "charité".

Au dehors souffle un vent gonflé par la marée.
Il pousse vers le village, des nuages de suie
Qui déversent à loisir, cette glaciale pluie,
Symbole d'un hiver sans neige ni gelée.

Mais l'enfant n'a que faire de tout ce mauvais temps.
Il se sent protégé, nimbé par la chaleur
Du bois ronflant dans l'âtre. Et bercé par l'odeur
De farine et de sucre, il jouit de ce moment.

Rien ne pourrait troubler cette douce quiétude
Qui le tient prisonnier d'une attente gourmande.
Il n'entend même pas, au loin, la sarabande
De tous ces jeunes gens chantant leur gratitude.

Ce sont les coups frappés aux carreaux de la porte
Qui le font s'ébrouer, sortir de sa torpeur.
Un monstre tend ses mains, bruyant et quémandeur.
Il craint un court instant, que ce martien l'emporte !

Ce sont les "guenilleux", couverts de toiles de jute,
Qui réclament des denrées, œufs, gâteaux ou boissons,
Afin de faire la fête, ce soir, à l'unisson,
Enfin débarrassés de cette allure hirsute.

Ils frappent aux maisons, le visage masqué,
Afin de pouvoir dire ses quatre vérités
A l'hôte indélicat qui voudrait refuser
De donner son écot à ces festivités.

Une fois sa besace saturé de gâteaux,
Ce manant remercie, faisant une révérence,
Qui dans un tel costume, frise l'impertinence,
Puis s'enfuit pour rejoindre les autres zigotos.

Dans les jupes de l'aïeule, le gamin, réfugié,
Cherche le réconfort pour conjurer sa peur.
Elle lui saisit la main, l'écartant en douceur,
Et l'entraine gentiment vers le garde-manger.

Derrière les deux battants, trône un grand saladier
Remplis de tourtisseaux qu'elle lui a réservé.
Ils sont dorés, sucrés, le meilleur des goûters.
Toute peur évanouie, il va se régaler !
Mars 2011