Comment réagir lorsque l’on est un miraculé sorti presqu’indemne de l’explosion des silos dans le port de Beyrouth, le 04 août 2020 ?
Le
narrateur, un commerçant d’un certain âge, est frappé par cette immense
explosion alors qu’il rentre chez lui. Protégé par la cage d’escalier, il va
perdre son œil, ce qui n’est pas une urgence pour les hôpitaux qui voient
affluer un grand nombre de blessés graves et de corps sans vie.
En
état de choc, il va errer dans ce quartier dévasté, semé d’éclats de verre, de
corps sanguinolents, de cadavres. En pleine sidération, il ne croit pas à la
version officielle d’un accident dans la manipulation d’un feu d’artifice qui
aurait entrainé l’explosion d’un énorme stock de nitrate, mais reste convaincu
que des avions israéliens, qu’il surnomme les bestioles, ont volontairement
fait exploser le port.
S’approchant
de la folie, il finit par se persuader que le monde entier souhaite la
destruction du Liban et il laisse libre cours à ses propos xénophobes, rejetant
toute forme d’aide de qui que ce soit, et se complaisant dans une vision
complotiste des choses.
Mais
n’est-ce pas l’aboutissement de nombreuses années de conflits avec les pays
voisins (Israël, la Syrie) ou les différentes factions politico-religieuses qui
fractionnent ce pays devenu ingouvernable. Ce traumatisme fait resurgir les
images néfastes de son passé, lorsqu’il utilisait son fusil pour tuer d’autres
libanais, lors de la guerre « fratricide ».
Hala
Moughanie nous trace le portrait de cet homme qui a perdu le peu qui lui
restait, son épicerie, ses voisins, ses espoirs. Son épouse, il l’a perdue
depuis longtemps, mais il ne veut pas en parler.
Ce court roman écrit sur la lame du scalpel, aux mots aussi violents que les situations décrites, peut nous laisser au bord du chemin. Peut-être faut-il être libanais pour saisir les nuances à travers les propos du narrateur.
Bref, un roman très noir, qui gomme l’idée d’un Liban terre de partage et de tolérance.
Merci
à Babelio de m’avoir permis de découvrir ce roman et merci aux Editions Elyzad
pour leur envoi.