Rosa Candida
Audur Ava
Olafsdottir
(Editions
Zulma)
Et si le père était une mère
comme les autres ?
L’Islande est une terre mystérieuse,
où le noir de la lave durcie rencontre l’écume d’une mer agitée. Pays de silence
et de sentiments souvent tus, où les habitants ont tendance à ne pas vouloir
interférer dans la vie de leurs concitoyens. Chacun doit assumer ses joies, ses
émotions et ses tristesses sans incommoder son voisin.
C’est peut-être pour fuir ce
monde qui, pour des sudistes comme nous semble déprimant, qu’Arnljotur, un
jeune homme qui se cherche, décide de prendre la route et rejoindre le
continent.
Quitter cette maison qui porte
en elle à la fois le bonheur de l’enfance et de la jeunesse mais aussi la
tristesse de la perte de sa mère, celle avec qui il partageait sa passion des
roses.
Quitter ce père déboussolé par
la mort de son épouse, qui l’oppresse à trop vouloir subvenir à ses envies et qui
jusque là, s’est davantage soucié de son frère autiste que de lui-même.
Quitter enfin Anna, jeune
femme amie de son meilleur ami, avec qui il a fait l’amour, une fois, et qui
lui a donné une petite fille. Sans nier sa paternité non désirée, il ne se sent
pas de taille à assumer complètement son rôle de père.
Il veut juste un peu de temps
pour se construire afin de vivre sereinement sa vie et ses responsabilités.
Après être déjà parti pour des
campagnes de pêche sur de gros bateaux, c’est en voiture qu’il souhaite
rejoindre un lieu ensoleillé du sud de l’Europe, afin de restaurer une vielle
roseraie tombée en désuétude, située dans un monastère.
Deux parties dans cet ouvrage :
D’abord, une sorte de road
movie au ralenti (il faut dire que sa voiture n’est pas toute jeune). Il
descend vers le sud, vers l’inconnu en se posant de nombreuses questions, en
particulier autour de l’amour et du rapport homme/femme. Ne trouvant pas les
réponses à ses questions, il finira, une fois arrivé à destination, à
questionner la personne qui sera son référent durant son travail à la roseraie
du monastère, un moine cinéphile qui trouve toujours un bon film pour illustrer
ses réponses. On ne sait pas trop où veut nous emmener l’autrice dans cette
première partie. Il faut un peu de patience au lecteur et tenter de savourer un
humour très… nordique !
Puis arrivent Anna et sa fille dans le village.
A partir de là, le livre
devient lumineux. La relation qui s’instaure entre le père, la mère et l’enfant
est poétique, amusante et particulièrement bien observée. On oppose souvent le
lien maternel, indispensable, au lien paternel, souvent considéré comme
accessoire. L’auteur nous démontre, par petites touches, que ce n’est pas le
cas, que chacun va apporter quelque chose d’essentiel à la construction de l’enfant.
C’est un livre tout en
atmosphère, où la lenteur du récit, le calme, le style posé et la sérénité
révélée dans la seconde partie du livre, ne laisse pas le lecteur indifférent.
Dans un monde surexcité, où tout doit aller très (trop) vite, cela fait du bien
de faire une pause.
Merci Madame Olafsdottir.