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Prosper me l'avait dit : "Attention aux humains.
Tu les crois bien mignons, il ne sont que malins !
Par devant le sourire, les caresses. Mais, les vaches,
Dès que tu prends tes aises, gare aux coups de cravache !"
Ils sont pourtant gentils, ces deux propriétaires.
Bon gîte et bon couvert, un travail bien pépère.
Pourquoi a-t-il fallu qu'ils deviennent des matons,
Porte-clefs, porte-flingues, des gardiens de prison ?
C'est vrai, je suis gourmand, voilà toute l'affaire.
Mais chez les équidés, c'est notre caractère !
Car l'herbe du printemps, bien trop riche en azote,
Nous faisant saliver, attise nos quenottes.
Est-ce ma faute, à moi, si aimer la pâture
Peut nous occasionner des risques de fourbure ?
Rigidité des membres, épaississement du sang,
Bascule des phalanges, sur poids plutôt gênant.
Je me suis fait serrer, un matin, par surprise,
Pour être présenté à un juge en blouse grise.
Un malade, un sadique qui, masque sur le nez,
M'a tondu, "piquousé" et même, horreur, saigné !
Ensuite, comme Pilate, en se lavant les mains,
Il a laissé tomber ce verdict assassin :
"Mise à l'ombre. Trois semaines, pour perdre des kilos.
Une diète sévère, au foin sec et à l'eau !"
Près d'un mois de cabane, pour un pauvre cheval,
Qui n'a jamais fauté, qui n'a rien fait de mal.
Je tourne dans mon box, privé de liberté,
Refrénant mes envies de pouvoir gambader.
Là, si je m'écoutais, je ferais tout sauter :
A grands coups de ruades, tout serait explosé !
Mais n'étant pas truand, je manque de pratique.
Et ces gens-là, somme toute, sont assez sympathiques.
Mon copain, Mistralou, me suit dans ma galère,
Car je ne suis pas seul, plongé dans la misère.
A la différence près, que lui, en vrai chouchou,
Peut courir, folâtrer dans l'herbe jusqu'au cou !
Moi qui, comme un toutou, ne peux sortir qu'en laisse,
C'est une vraie torture, pour mon moral en baisse,
Que d'être à son côté et donc de respirer
La bonne odeur du trèfle, tout fraîchement mâché.
Vivement qu'elle finisse, cette lourde sanction,
Que je puisse brouter, sans autre restriction
Que ma seule satiété, que mon unique plaisir.
Pour l'instant je cogite, je pense à l'avenir :
Une chose est certaine, je ne serais plus pris !
Et au printemps prochain, limitant l'appétit,
Je ne risquerais plus un problème de fourbure,
Galopant, bienheureux, dans ma belle pâture.
Mai 2009